Peu de personnes au monde peuvent se vanter d’avoir su transcender leur
condition pour s’élever au rang de personnalité incontournable plus d’un siècle
après leur naissance. Martin Chambi serait
l’ambassadeur du Pérou en la matière si son génie était apprécié à son juste
titre.
Aujourd’hui,
seule une poignée d’aficionados de l’univers artistique lui rend justice dans
son pays, alors même que son œuvre a une résonnance internationale.
Visionnaire
diront certains, pionnier dirent d’autre, ici c’est son statut
d’artiste sans précédent que nous souhaitons célébrer. Une maitrise indéniable
de l’art de la photographie, un œil avisé sur une société bipolaire : il fût l’un des créateurs
majeurs du XXème siècle.
Il est
vrai que Martin Chambi a eu un destin hors du commun. Ce fils d’agriculteur né
en 1891 à Puno fût le fruit d’une culture « indigena » dont le quechua
était la langue principale. Un milieu social qui induit de nombreux devoirs dans la société péruvienne du
siècle dernier comme celui de prêter sa main d’œuvre à une mine d’or dès les prémices de son adolescence.
C’est une rencontre
atypique avec un photographe alors qu’il était en plein labeur qui donnera
naissance à sa vocation. Dès lors, il s’imposera un travail acharné pour gagner
suffisamment d’or et partir, appuyé par ses parents, vers Arequipa afin de
réaliser son rêve.
Ainsi,
à ses 16 ans, il deviendra l’apprenti de
Max T. Vargas, un photographe reconnu des familles bourgeoises de la « Ville
Blanche ». Ce dernier lui fera découvrir les subtilités de la photo. Neuf
ans plus tard, il ouvrira son propre local a Sicuani, à la jonction même entre
le le Lac Titicaca et la ville de Cuzco. C’est d’ailleurs à Cuzco, fief de l’empire
Inca, que sa carrière prendra un autre tournant.
Photographe
de tous les univers, intellos, bourgeois, andins ; de tous les paysages,
villes,
campagnes ;
des milieux modernes et traditionnels ; mariages, communions des plus
aisés, misère des plus humbles, événements sportifs réunissant tout ce beau
monde…
C’est son
amour pour Rembrandt qui l’inspirera et lui provoquera le besoin impérieux de
travailler avec l’ombre et la lumière. Ses nombreux autoportraits feront office
de test.
Dès lors,
ses clichés prendront un autre relief. Il s’agira de s’armer de patience pour
attendre le moment parfait permettant de convertir une simple prise de vue en
véritable œuvre d’art.
A côté de
la photographie à fins
commerciales, il placera au cœur de son œuvre la ville de
Cuzco et la société andine. Il deviendra ainsi le premier et principal témoin
de son paradoxe, entre beauté et complexité sociale extrême. Si « les
photos constituent à la fois une fenêtre et un miroir » (John Szarkowski),
on peut retrouver en Martin Chambi ce désir profond de révéler son monde, désir
menant à une recherche intime, celle de sa propre identité. Une démarche
témoignage quasi anthropologique qui saura dépasser les clichés et mettre à nu
une société encore tenue secrète aux yeux du monde.
Quoi
qu’il en soit, l’originalité et la richesse visuelle exceptionnelle de Martin
Chambi ont eu des conséquences considérables sur l’histoire de la photographie.
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