« El condor pasa » joué à
la flûte de pan par un groupe folklorique tout droit descendu des Andes, c’est
certainement la première image qui nous vient en tête lorsque l’on fait
référence à la musique péruvienne. Pourtant, à l’instar du pays, celle-ci
est le fruit d’un melting pot culturel
démentiel.
Entre autres influences, le leg du
patrimoine afro au Pérou est considérable. Présente depuis l’époque coloniale,
la population afro-descendante a en effet fortement impacté la culture
péruvienne dans la cuisine, dans la religion, dans la langue… Et bien entendu
dans la musique ; qui est devenue à ce titre un témoin clé pour révéler
une part de l’histoire du pays encore méconnue.
Des origines enracinées dans un
passé d’esclavagisme…
Reléguées au statut de « main-œuvre »
importé par les Espagnols, les populations d’Afrique Noire n’avaient aucun
droit, et encore moins celui de pratiquer des instruments de musique. Les
rythmes afro-péruviens sont nés à cette
époque, au 16ème siècle, la pulsion d’exister de ces opprimés étant
plus forte que la peur de l’interdit. Le soir, en cachette dans leurs
baraquements, ils commencèrent à marquer le rythme et chanter des strophes
dénonçant les mauvais traitements qu’ils subissaient, le déracinement,
l’adaptation obligée.
D’abord dépourvu de tout
instrument, la musique c’est peu à peu enrichie grâce à des objets de récupération.
Ainsi apparurent la quijada, une mâchoire d’âne dont la sonorité provient de
l’entrechoquement des dents ou la calebasse séchée et évidée, entre autres
percussions. Mais l’instrument icône de la musique afro péruvienne reste le
cajon - qui a d’ailleurs depuis a connu de nombreux avatars - une caisse
d’emballage convertie en caisse de résonance.
Discrimination, racisme, manque de
cohésion communautaire… Autant de facteurs qui ont relégué pendant longtemps la
culture afro sur un arrière plan. Conséquence, ces rythmes ont eu peine a
survivre au cours des siècles. Ce n’est qu’à partir des années 60 - début de l’émancipation de la communauté noire
– qu’ils ont été acceptés au Pérou pour finalement s’imposer dans les années 70
et surtout 80 comme orgueil national.
A un prestige international
Aujourd’hui, la musique afro
péruvienne a dépassé les frontières pour lentement rayonner sur un territoire
plus ample, international. Eva Ayllon (idole dans son pays, née en 1956), Peru
Negro (groupe formé dans les années 1970), Novalima (groupe electro dub branché
de péruviens expatriés formé en 2001) ou encore Radio Kijada (groupé composé
d’un percussionniste péruvien et d’un membre du Gotan Project) défendent la
musique afro-péruvienne à travers le monde.
Mais l’ambassadrice de cette culture qui n’a pas
voulu mourir reste celle que l’on surnomme la « Diva péruvienne »,
Susana Baca. Programmée sur les scènes du monde entier, elle a vu son succès
international couronné à deux reprises par un Grammy, en 2002 et en 2011. Figure clé dans la renaissance de la musique
afro-péruvienne, elle s’est surtout toujours battue pour faire valoir l’apport
de cet héritage dans la culture nationale. C’est ainsi qu’en 2011, elle a été
nommée président de la Commission culturelle à l’OEA (Oraganisation des Etats
américains). Cette même année, elle a été élue ministre de la culture sous le gouvernement
de Ollanta Humala – pour en démissionner quelques mois plus tard pour cause de
remaniement ministériel. C’était la première fois depuis l’indépendance en 1820
qu’un ministre noir intégrait le gouvernement, de quoi confirmer son
influence !
Malgré la remise au goût du jour de
ce style musical, la communauté afro péruvienne est encore confinée au statut
d’ethnie à part. Chincha, le fief du folklore afro péruvien en est la plus
belle preuve. Considéré comme le point centrique de la culture noire péruvienne
– on peut lire sur le panneau à son entrée « Bienvenue à el Carmen,
capitale et berceau de l’art noir du Pérou » - il a vu son principal attrait
touristique se développer par ce biais : c’est la ville des noirs du
Pérou. Malgré un accueil extrêmement souriant et agréable, un sentiment étrange
envahi lorsque l’on arrive dans cette zone, qui laisse entendre que le
métissage culturel au Pérou n’a pas encore atteint son apogée…. Mais les
grandes figures telle que Susana Baca laissent espérer que la musique, via son
effet intégrateur, sera l’un des facteurs clés de la cohésion nationale.
En bref, nous vous engageons à découvrir au plus
vite ces rythmes et sons magiques ; parfois endiablés, parfois mélancoliques, mais
indéniablement entraînants.
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