dimanche 8 mars 2015

La musique afro péruvienne, un bijou centenaire



« El condor pasa » joué à la flûte de pan par un groupe folklorique tout droit descendu des Andes, c’est certainement la première image qui nous vient en tête lorsque l’on fait référence à la musique péruvienne. Pourtant, à l’instar du pays, celle-ci est  le fruit d’un melting pot culturel démentiel.

Entre autres influences, le leg du patrimoine afro au Pérou est considérable. Présente depuis l’époque coloniale, la population afro-descendante a en effet fortement impacté la culture péruvienne dans la cuisine, dans la religion, dans la langue… Et bien entendu dans la musique ; qui est devenue à ce titre un témoin clé pour révéler une part de l’histoire du pays encore méconnue.



Des origines enracinées dans un passé d’esclavagisme…

Reléguées au statut de « main-œuvre » importé par les Espagnols, les populations d’Afrique Noire n’avaient aucun droit, et encore moins celui de pratiquer des instruments de musique. Les rythmes afro-péruviens  sont nés à cette époque, au 16ème siècle, la pulsion d’exister de ces opprimés étant plus forte que la peur de l’interdit. Le soir, en cachette dans leurs baraquements, ils commencèrent à marquer le rythme et chanter des strophes dénonçant les mauvais traitements qu’ils subissaient, le déracinement, l’adaptation obligée.

D’abord dépourvu de tout instrument, la musique c’est peu à peu enrichie grâce à des objets de récupération. Ainsi apparurent la quijada, une mâchoire d’âne dont la sonorité provient de l’entrechoquement des dents ou la calebasse séchée et évidée, entre autres percussions. Mais l’instrument icône de la musique afro péruvienne reste le cajon - qui a d’ailleurs depuis a connu de nombreux avatars - une caisse d’emballage convertie en caisse de résonance.





Discrimination, racisme, manque de cohésion communautaire… Autant de facteurs qui ont relégué pendant longtemps la culture afro sur un arrière plan. Conséquence, ces rythmes ont eu peine a survivre au cours des siècles. Ce n’est qu’à partir des années 60 -  début de l’émancipation de la communauté noire – qu’ils ont été acceptés au Pérou pour finalement s’imposer dans les années 70 et surtout 80 comme orgueil national.

A un prestige international

Aujourd’hui, la musique afro péruvienne a dépassé les frontières pour lentement rayonner sur un territoire plus ample, international. Eva Ayllon (idole dans son pays, née en 1956), Peru Negro (groupe formé dans les années 1970), Novalima (groupe electro dub branché de péruviens expatriés formé en 2001) ou encore Radio Kijada (groupé composé d’un percussionniste péruvien et d’un membre du Gotan Project) défendent la musique afro-péruvienne à travers le monde.

Mais l’ambassadrice de cette culture qui n’a pas voulu mourir reste celle que l’on surnomme la « Diva péruvienne », Susana Baca. Programmée sur les scènes du monde entier, elle a vu son succès international couronné à deux reprises par un Grammy, en 2002 et en 2011.  Figure clé dans la renaissance de la musique afro-péruvienne, elle s’est surtout toujours battue pour faire valoir l’apport de cet héritage dans la culture nationale. C’est ainsi qu’en 2011, elle a été nommée président de la Commission culturelle à l’OEA (Oraganisation des Etats américains). Cette même année, elle a été élue ministre de la culture sous le gouvernement de Ollanta Humala – pour en démissionner quelques mois plus tard pour cause de remaniement ministériel. C’était la première fois depuis l’indépendance en 1820 qu’un ministre noir intégrait le gouvernement, de quoi confirmer son influence !



Malgré la remise au goût du jour de ce style musical, la communauté afro péruvienne est encore confinée au statut d’ethnie à part. Chincha, le fief du folklore afro péruvien en est la plus belle preuve. Considéré comme le point centrique de la culture noire péruvienne – on peut lire sur le panneau à son entrée « Bienvenue à el Carmen, capitale et berceau de l’art noir du Pérou » - il a vu son principal attrait touristique se développer par ce biais : c’est la ville des noirs du Pérou. Malgré un accueil extrêmement souriant et agréable, un sentiment étrange envahi lorsque l’on arrive dans cette zone, qui laisse entendre que le métissage culturel au Pérou n’a pas encore atteint son apogée…. Mais les grandes figures telle que Susana Baca laissent espérer que la musique, via son effet intégrateur, sera l’un des facteurs clés de la cohésion nationale.



En bref, nous vous engageons à découvrir au plus vite ces rythmes et sons magiques ;  parfois endiablés, parfois mélancoliques, mais indéniablement entraînants.